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lundi 9 février 2015
On évoque souvent le modèle social français pour le louer ou le dénoncer. Mais alors que beaucoup le pensent créé depuis des temps immémoriaux, il est en réalité très récent puisqu’il fut bâti à l’issu de la Deuxième Guerre mondiale, et date, pour l’essentiel, d’une batterie de lois prises en 1946. Il est inspiré à la fois du programme économique du Conseil national de la résistance, et des idées socialistes et communistes d’après-guerre. C’est notre État providence, qui fait désormais quasiment l’unanimité de la classe politique. Ce modèle social repose sur une quintuple idée de l’État : entrepreneur, planificateur, protecteur, logeur, aménageur. Hormis Renault, nationalisé dès la Libération pour cause de collaboration avec l’ennemi, les grandes vagues de nationalisation ont été menées en 1946, sous le gouvernement du socialiste Félix Gouin. Parmi celles-ci, les mines, avec la création des charbonnages de France, le gaz et l’électricité, donnant naissance à EDF et GDF, Air France, et de nombreuses banques et assurances. Ainsi que la sécurité sociale, dont l’affiliation n’était pas obligatoire au moment de sa création en 1945 par le Général de Gaulle. L’État planificateur s’organise avec Jean Monnet, qui fonde le Commissariat au Plan, tentative française d’application d’une vision dirigiste d’une économie qu’il faut rebâtir suite aux nombreuses destructions de la guerre. L’État protecteur se manifeste dans l’organisation de l’État providence, dont le modèle français suit l’exemple anglais du rapport Beveridge. L’État sort de son cadre régalien pour devenir la main invisible des personnes dans une société de plus en plus protégée.
L’État pense la vie. Deux ans plus tard, en 1948, c’est aussi la mise en place d’une politique du logement malthusienne et centralisée. La fameuse loi de 48 maintient fixe les coûts de location. Elle a pour conséquence de ruiner les propriétaires qui, face à l’inflation, n’ont plus les moyens de faire les nécessaires travaux d’entretien de leurs biens. L’État logeur organise la politique des HLM, de l’organisation spatiale des populations, et du contrôle des constructions des communes. L’esprit de 46 souffle sur les nombreuses lois logement, dont les lois SRU et Duflot ne sont que les ultimes rejetons. Autre charme de 1946, l’adoption du statut général des fonctionnaires, largement inspiré par Maurice Thorez, chef du PCF, qui se prolonge en 1947 avec la création des NMPP, qui obtiennent le monopole de la distribution de la presse à Paris, et un contrôle quasi permanent des quotidiens. Le modèle économique et social qui nous gouverne encore est donc récent dans l’histoire du pays et, à ce titre, nous vivons dans la continuité des erreurs et des espérances de l’après-guerre. Il est exagéré de dire qu’il est lié au pacte républicain, car la république datant de 1792 puis de 1875, elle n’a pas de lien direct avec ce modèle d’inspiration socialo-communiste datant de 1946. Fut-il efficace ? Certains historiens y voient les raisons du grand développement économique que connut la France, et que Jean Fourastié appela Trente glorieuses. Cela est assez contestable, car les difficultés que subit le pays dans les années 1970 sont largement dues à l’obsolescence de ce modèle, et c’est son démantèlement progressif, à partir des années 1980, qui permit à la France d’affronter les choses nouvelles de la mondialisation, et à ses grands groupes de conquérir des sommets.
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