Des commémorations pour quoi faire ?

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jeudi 12 mai 2016

Qu’un rappeur pathétique ait été choisi pour animer le grand concert des commémorations du centenaire de Verdun et c’est toute la toile qui s’enflamme. Au-delà de savoir si ce choix est judicieux ou de mauvais goût, c’est l’essence même des commémorations nationales qui est posée. Qu’allons-nous en effet commémorer en nous rappelant la victoire de Verdun ? La victoire sur les Boches et les Doryphores ? Sûrement pas depuis les grands élans de la réconciliation franco-allemande. Le sacrifice de milliers de Français morts pour leur patrie et pour empêcher l’invasion étrangère ? Ce patriotisme est rangé au rayon des vieilleries et n’a plus trop la côte chez les gouvernants. La gloire des généraux qui ont contribué à la victoire ? Il n’est pas certain que l’on parle du Maréchal Pétain qui ne fut pas le vainqueur, mais un des vainqueurs de Verdun.

Avec Verdun, c’est le sens des commémorations qui est posé, ainsi que la place de l’histoire. Faut-il se souvenir pour que de tels événements ne se reproduisent pas ? Mais un événement ne se reproduit jamais de façon identique. Faut-il commémorer pour organiser une grande fête ? Vu le nombre de morts et de destructions, cela semble déplacé.

Si l’on comprend qu’il est bon de se souvenir, on ne comprend pas trop quel sens donner à ce souvenir. Fêtant le premier anniversaire de la guerre contre Sparte, Périclès honora les morts d’Athènes en utilisant l’oraison funèbre comme un plaidoyer pro domo. C’est là qu’il parla d’Athènes comme étant l’école de la Grèce, et qu’il salua le sacrifice des soldats morts comme étant le sacrifice des soldats de la liberté contre la servitude. Toute commémoration est le reflet d’une idéologie politique. On commémore Verdun, mais on ne parle pas de la bataille de la Somme, pourtant plus décisive. On évoque les soldats en général, mais on ne parle ni des généraux ni des hommes politiques (exit Poincaré et Clemenceau). Il y a 1 700 ans est né saint Martin. Il y a 500 ans fut conclu le concordat de Bologne. Il y a 250 ans, Bougainville commença son tour du monde. Il y a 200 ans fut promulguée l’ordonnance sur l’instruction primaire. Autant d’événements plus importants pour la France que la bataille de Verdun, mais qui n’auront pas droit aux honneurs d’un discours d’un président en fin de règne et d’un concert d’un chanteur de rap mainstream.

Cette commémoration est le miroir qui nous montre le vide du pouvoir et de la réflexion politique. Incapable de donner de la grandeur, la commémoration s’échoue dans le néant. Elle devient une kermesse pour amuser le peuple, sauf que le peuple ne viendra pas et ne regardera pas un spectacle qui ne l’intéresse pas. L’ensemble des Français aurait sûrement préféré une commémoration sobre, avec reconstitution historique et présentation d’objets de la bataille. Cette commémoration croit parler à l’ensemble de la population ; elle ne s’adressera en fait qu’à ceux qui l’ont commandé. Elle révèle la vacuité d’un pouvoir, la coupure des dirigeants et du peuple, l’inculture des organisateurs. Ce vide et ce néant sont bruissant de paroles : ils témoignent d’un pouvoir déculturé et coupé des réalités.

Merci à Maxime Tandonnet pour son éloge de mon article publié sur son site. Je partage avec lui la même analyse de cette réaction médiatique.

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