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jeudi 30 juin 2011
Un entretien accordé le 29 juin 2011 à la revue Enquête et Débat.
Avec l’ouverture de la campagne présidentielle les candidats vont se positionner sur l’éducation. Quel est votre avis la dessus ?
Je partage le constat qui est fait par tous les acteurs de l’éducation, que ce soit les professeurs ou les parents : l’éducation nationale est un échec. Environ 10% d’illettrés en 6ème, des milliers d’élèves qui sortent sans qualification, et surtout une baisse générale du niveau. Pour s’en convaincre le mieux est de relire d’anciens manuels, par exemple des manuels des années 1960 ou même 1980, et de les comparer avec ceux d’aujourd’hui. C’est effrayant : le contenu s’est considérablement appauvri, les images ont pris une place prépondérante, et le texte est réduit à une faible part. Ce qui signifie que même les très bons élèves n’ont pas un bon niveau.
Quelles solutions faut-il préconiser ?
Je ne doute pas que l’on en revienne toujours au même dispositif : augmenter les moyens. C’est le discours classique des syndicats. Mais l’Education Nationale croule sous l’argent. En 1980 un lycéen coûtait 5 800€, aujourd’hui il revient à 9 100€. Le prix du lycéen a presque doublé en 30 ans, et pourtant le niveau a baissé. Ce qui manque à l’éducation ce n’est pas de l’argent, c’est de la liberté.
J’entends bien ceux qui disent qu’il faut restaurer l’autorité des professeurs, revaloriser l’apprentissage par cœur ou la transmission de la culture. Ce sont des thèmes importants, mais ce sont des thèmes annexes. La première question est de donner la liberté aux parents de pouvoir choisir l’établissement de leur enfant –avec la pédagogie qu’ils souhaitent- et de donner au directeur d’établissement la liberté de pouvoir choisir ses professeurs et sa pédagogie. C’est en donnant d’abord la liberté que l’on pourra ensuite restaurer tout le reste.
Comment faire alors pour que les établissements soient d’avantages autonomes ?
Il faut instaurer le chèque scolaire. Je rappelle que l’éducation n’est pas du ressort de l’Etat mais des parents. L’éducation n’est pas un domaine régalien, comme l’est la justice, l’armée ou la monnaie. C’est un service que l’Etat peut aider, mais ce sont les parents qui sont les premiers et principaux éducateurs de leurs enfants. Avec le chèque scolaire ils seraient libres de pouvoir choisir l’établissement de leur choix. Aux établissements ensuite de se décarcasser pour offrir une bonne éducation, au risque de disparaître.
Concrètement, comment cela pourrait-il fonctionner ?
Au vu du coût actuel on pourrait fixer le montant du chèque à 4 300€ pour un écolier et à 7 500€ pour le secondaire, ce qui permettrait de réaliser de très importantes économies. Les parents, munis de ce chèque, valable uniquement dans un établissement scolaire, s’en servent pour payer l’école de leurs enfants. Si l’établissement estime que le montant n’est pas assez important il peut fixer une scolarité plus élevée, à charge ensuite aux parents de compléter. Grâce au chèque scolaire la liberté pédagogique est totale. Il est possible de créer des établissements pour dyslexiques ou pour enfants handicapés, de valoriser une méthode pédagogique (Steiner, Montessori), et surtout de pouvoir recruter librement ses professeurs, comme n’importe quelle entreprise.
Ne craignez-vous pas que cela augmente les inégalités et rejette les enfants défavorisés ?
C’est l’argument qui est ressorti à chaque fois ! Pensez-vous que le système actuel comble les inégalités et favorise les enfants en difficulté ? Je ne pense pas que l’on puisse faire pire que maintenant. Une enquête de l’Education Nationale parue en juillet 2010 sur les compétences des élèves en 3ème révèle que les résultats sont meilleurs dans les établissements privés que dans les établissements publics. Surtout, les résultats sont bien meilleurs pour les enfants d’ouvriers et d’employés. Les enfants de cadres qui sont dans le privé ont un score supérieur de 2 à 3 points par rapport à ceux du public. Les enfants d’ouvriers qui sont dans le privé ont un score de 15 points supérieur à ceux du public. C’est bien la preuve que les écoles privées profitent d’abord aux enfants d’origine modeste. Non seulement le chèque scolaire va contre l’échec scolaire, mais il va aussi contre l’inégalité scolaire.
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