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dimanche 16 août 2015
Chronique gastronomique
La ville de Thiers est la véritable capitale française du couteau. C’est chez elle que sont fabriqués la plupart des Laguioles, même si des artisans se sont installés depuis quelques années dans la ville de l’Aveyron pour y produire le couteau à l’abeille. Pour trouver un couteau aveyronnais fabriqué en Aveyron, il faut se rendre à Sauveterre-de-Rouergue. Cette ville nouvelle, fondée en 1281 par le roi Philippe III, est l’archétype des bastides : un plan carré, une vaste place centrale fermée par les bâtiments, un déambulatoire sous des arcades. Cette bastide royale devait contrôler la campagne alentour, ainsi que les voies de communication qui menaient vers Rodez et l’Auvergne. La région est pauvre : les terres sont acides et peu productives. On y cultive presque exclusivement le seigle, d’où son nom de Ségala. Au XIXe - XXe siècle, les champs bénéficient de l’apport de nutriments grâce au chaulage. Devenue beaucoup plus fertile, la région abandonne le seigle au profit du blé. Les pâtures apparaissent, favorisant l’embouche. Aujourd’hui, le Ségala est réputé pour son veau, un des plus tendres de France.
Sauveterre fut aussi une ville coutelière. Elle ne dispose ni de minerai de fer, ni de combustible. Les artisans devaient donc faire venir les deux produits d’ailleurs. Le charbon venait notamment du bassin houiller de Carmaux, situé à quelques kilomètres au sud. La coutellerie a connu son apogée au XIXe siècle, avant de disparaître. La désertification des campagnes y a été pour beaucoup : le progrès technique a délivré les bras des travaux agricoles, ce qui a réduit le nombre de clients potentiels. Les jeunes sont partis à la mine : Carmaux ou Decazeville, ou bien à Paris. Ils ont contribué à l’aventure des bougnats et des cafés. Ces Auvergnats ont importé dans la capitale les traditions de leur pays, notamment l’art du couteau. C’est à ce moment que les couteliers inventent le couteau garçon de café, avec sa vis attachée au manche, afin de permettre, avec un seul ustensile, d’ouvrir les bouteilles. Mais la coutellerie s’était déjà déplacée à Thiers, dans le Puy-de-Dôme. L’ancienne histoire du couteau planait comme une ombre ancienne sur Sauveterre.
Curieusement, c’est à un téléfilm que l’on doit la renaissance de la coutellerie de Sauveterre. En 1997, France 2 diffuse La clef des champs, qui raconte l’histoire d’une jeune femme qui quitte Paris pour revenir à Sauveterre, le village de sa famille, et essayer de sauver l’entreprise paternelle de fabrication de couteau. À la suite de cette émission, la mairie décide de favoriser l’implantation d’un coutelier dans le village. Guy Vialis y installe son atelier et relance le couteau de Sauveterre, en s’inspirant des formes d’un couteau du XIXe siècle. La particularité de ce couteau est d’avoir une lame en forme de feuille de sauge, et une feuille sur le ressort du couteau. On retrouve la sauge sur le blason de la ville. C’est une plante très commune des campagnes. On lui attribue de nombreuses vertus médicinales, aussi bien antiseptique, calmante que digestive ; on la trouve aujourd’hui facilement dans la phytothérapie.
L’autre particularité du couteau Sauveterre est d’avoir un manche droit assez épais. Il est plus trapu que le Laguiole, mais plus fin que le Thiers.
La coutellerie Vialis est la seule de la ville. Elle parvient à s’étoffer et à grandir, preuve qu’une industrie locale de qualité est possible. Elle s’illustre grâce à la qualité et à l’originalité de ses produits. En 2001, Guy Vialis a acheté six troncs d’arbres du château de Versailles, qui étaient tombés lors de la tempête de 1999. Il a utilisé leurs bois pour réaliser les manches de couteaux en série limitée, gravés et numérotés. La forme de ces couteaux s’inspire de modèles du XVIIIe siècle. À chaque vente de ces couteaux, l’entreprise reverse une partie des bénéfices au château pour permettre le reboisement et l’entretien des parties endommagées. Preuve que le couteau ne sert pas qu’à couper, mais aussi à planter.
Site internet de la coutellerie Berthier, qui propose plusieurs marques de couteaux, dont la sienne.
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