Les libéraux sont-ils marxistes ?

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dimanche 20 mars 2011

Les Libéraux sont-ils marxistes ?

Les classements aiment les divisions et les rangements simples. Il semble nécessaire que chaque chose soit à sa place, étiquetée et ordonnée. Le monde politique est ainsi rangé entre droite et gauche, extrême droite et extrême gauche, avec le centre au milieu, lui-même partagé entre un centre droit et un centre gauche. A bien des égards le centre semble être le juste milieu, le point parfait où convergent toutes les bonnes idées. A raisonner ainsi on se coupe de la réalité politique. Surtout on finit par penser qu’extrême droite et extrême gauche sont très différentes, alors qu’elles sont très proches et que les idéologies ne sont guères opposées. C’est le cas notamment des libéraux et des marxistes. A priori tous les séparent. Les premiers sont individualistes, favorable à la liberté d’entreprise, voulant réduire le rôle de l’Etat au minimum, pour une liberté totale d’expression, sans mesure et sans contrôle, pour une permissivité morale sans borne. Les seconds sont tous le contraire. Collectivistes, l’Etat doit jouer le rôle central. L’opinion doit être surveillée, contrôlée et punie quand elle en vient à critiquer l’Etat. Libéraux et marxistes sont donc des antithèses, l’expression diamétralement opposée de deux options politiques. Voilà du moins ce que l’on peut voir à la surface des choses, car quand on observe en détail leur mode de pensée et de fonctionnement on se rend alors compte que leur opposition de façade n’est peut être pas aussi intangible qu’il y paraît.

La fausseté des classements

Il faut se frotter à la pensée libérale, analyser ses thématiques, ses obsessions, pour se rendre compte qu’elle tourne autour d’un seul point : l’argent. A la lecture des penseurs libéraux il semble que seul l’argent soit important, le reste ne compte pas. Les entreprises doivent faire de l’argent, la performance et l’utilité des Etats se mesure à la quantité d’argent produit, en langage vulgaire on parlerait du fric. Ce goût obsessionnel pour le fric fait omettre tout le reste. L’évolution du PIB et du taux de croissance occulte l’aspect culturel des peuples, enfume l’histoire et noie les particularités ethniques. Il y a un modèle, qui est le bon modèle, et qui peut être appliqué partout. Une machine magique à produire de la croissance et de l’argent, une machine inventée en Europe et qui peut s’exporter sur tous les continents, quel que soit les peuples qui l’habite. La norme morale est ainsi évacuée, seul demeure l’accroissement matériel, le comfort comme dirait Rimbaud. Les pays, les peuples, se trouvent résumés en quelques chiffres de croissance en tout genre, de taux divers, de modération économique. L’économie devient la fin en soi et l’homme est aboli ; sueurs froides chez C.S. Lewis.

Le problème avec les libéraux, c’est qu’ils sont multiples. Libéralisme politique, libéralisme économique, libéralisme moral, trois domaines où aucun auteur ne se retrouve. On ne peut qu’aspirer à la liberté, on ne peut qu’être d’accord, notamment, avec la liberté d’entreprendre et la libre initiative. En revanche, ce qui n’est pas acceptable, quand on a le souci de placer l’homme au centre de la réflexion, c’est de ne considérer que l’économie et de délaisser le reste. Or c’est sur ce point, qui est un point nodal, que l’école libérale et l’école marxiste se retrouvent, c’est-à-dire celui de la primauté de l’économie, venant d’une vision matérialiste de l’homme.

La primauté du matérialisme

Si la seule fin de l’homme devient le taux de croissance, l’évolution des salaires et des prix, alors, que vaut l’homme ? Tour devient justifiable par le marché, comme, chez les marxistes, tout est justifiable par l’Etat. Et la partie spirituelle de l’homme, la culture, le respect des peuples, la religiosité, cela ne compte plus. L’homme est un homme machine, destiné à produire et à croitre en biens matériels. Pour cela il y a des recettes, universelles et intemporelles, applicables partout, et qui doivent être appliquées partout. Alors que Pascal disait qu’une loi pouvait être vrai d’un côté des Pyrénées et fausse de l’autre côté, en fonction de l’inclination des peuples, alors qu’Aristote, avant d’écrire une constitution, voulait enquêter sur le peuple afin de le connaître et de rédiger un texte qui lui convienne, voilà que l’on en vient à ne voir que des prêts à porter exportable et transposable de toutes parts.
La démocratie ? Valable pour tous les peuples, quelle que soit leur histoire. L’économie de marché et l’ouverture des frontières ? La panacée pour tous. L’homme est le même partout. Funeste vision des Lumières qui croit en l’existence d’un homme universel qu’il est nécessaire d’éclairer en toutes latitudes. C’est au nom de cette erreur que les libéraux ont colonisé au XIXe siècle, et que l’on découvre aujourd’hui des peuplades d’Afrique qui savent parler l’anglais, mais non plus leur langue maternelle, qui ont adopté les modes de vie occidentaux, en oubliant les leurs, et qui doivent vivre dans des Etats créés de toutes pièces, au mépris des ethnies, ce qui les condamne à d’incessantes guerres civiles.

Aujourd’hui c’est le marché que l’on tente d’imposer, avec ses lois internationales, le libéralisme qui oblige à l’ouverture des frontières, comme on ouvrirait portes et fenêtres en hiver, causant immanquablement rhume et grippe. Il peut être bon de relire un bref livre de Paul Bairoch, Mythes et paradoxes de l’histoire économique, dans lequel l’auteur montre que le protectionnisme n’est pas un frein à la croissance et au développement, et qu’au XIXe siècle c’est dans les périodes protectionnistes que les Etats se sont développés. Maurice Allais a pu démontrer le mal qu’il pensait de la globalisation et des effets néfastes qu’elle avait sur les populations. La grande vague d’immigration de peuplement qui touche l’Europe depuis les années 1980, substituant à sa population d’origine une population en majorité africaine et indienne, trouve son origine dans une curieuse alliance socialo-libérale. C’est pour faire baisser les coûts de main d’œuvre, notamment dans le travail peu qualifié, que les frontières ont été ouvertes à une population miséreuse. Les marxistes y ont vu une excellente façon de renouveler leur électorat, à un moment où les ouvriers se détournaient d’eux pour rejoindre les partis conservateurs. Le résultat est visible aujourd’hui : au désastre économique –notamment l’accroissement du chômage et le développement d’une économie illégale- s’ajoute le désastre culturel de pays d’accueil qui renient leur culture et qui ne trouvent plus la force de la transmission à leurs enfants, et de pays d’origine qui voit partir, impuissants, leur jeunesse et leurs meilleurs éléments et qui, lorsqu’ils reviennent, sont mal occidentalisés, mais suffisamment toutefois pour mettre à bas la culture et l’ethos de leur pays. A la faillite économique s’ajoute donc la faillite morale. C’est une grande leçon d’Alexis de Tocqueville dans sa Démocratie en Amérique : économie et morale marchent ensemble, si l’économie se coupe de la morale, alors elle est condamnée à s’effondrer à son tour. C’est que la liberté ne peut reposer que sur la vérité.

Liberté, égalité, vérité

La liberté ne peut fleurir que dans un système d’égaux. Il est absurde, par exemple, de vouloir imposer la démocratie dans des pays ou la forma mentis de la culture dominante ne pense pas l’égalité, notamment entre les hommes et les femmes. La démocratie repose sur l’égalité, alors comment la faire fonctionner si l’égalité n’existe pas dans le quotidien des personnes ? Et l’égalité ne se proclame pas : on ne change pas les habitudes culturelles millénaires comme on modifie un taux d’intérêt.
Ce qui est valable en politique est valable aussi en économie. Oui il est bon d’ouvrir les frontières, afin de favoriser le commerce, les échanges, et de bénéficier de produits moins chers ailleurs, à condition que cette ouverture se fasse dans le cadre d’une aire de pays égaux. Sinon le déséquilibre est tel que c’est la destruction assurée de l’économie. Le gros envahi le plus faible de ses produits technologiques, qui se trouve alors incapable de progresser, mais lui-même inonde son prochain de marchandises à bas coûts, laminant ainsi ses emplois industriels et condamnant au chômage la part faible de sa population.

C’est que la liberté ne peut que reposer sur la vérité. Or la vérité est unique, et surtout elle transcende l’homme. Ce n’est pas l’homme qui invente la vérité, celle-ci il ne fait que la reconnaître grâce à son expérience. C’est là que le libéralisme moral pose problème, lui qui pose comme principe que la vérité dépend de chaque individu – ce que l’on nomme le relativisme- et surtout que les choses sont vraies parce que la liberté permet de le faire. On voit très bien les conséquences juridiques d’une telle pensée : la loi –qui sanctionne la vérité judiciaire- est faite en fonction de la liberté des personnes. J’ai tel comportement, parce que j’ai envie, et la loi doit m’autoriser à l’avoir. Cela est complètement contraire au sens même de la justice qui définit la liberté des personnes dans les limites imposées par la loi, ces limites reposant sur la loi naturelle et le respect de valeurs intangibles. Un comportement inhumain engendre nécessairement une faillite économique à long terme. L’actualité 2008-2009 a montré comment des chefs d’entreprise avaient pu mentir et tricher dans l’exercice de leurs fonctions. Cela a tenu un temps puis le miroir mensonger c’est brisé et les entreprises ont coulé. Il en va de même pour les pays : on peut mentir sur l’état de la dette, sur le financement des retraites, la réalité, qui est fille de la vérité, et qui a pour corollaire l’expérience, finit toujours par ressurgir et par se montrer telle qu’en elle-même l’éternité la change. C’est alors que l’homme perd sa liberté, car lorsqu’une société nie la morale elle ne peut que sombrer dans une dictature, et le relativisme en est une. Les exemples historiques ne manquent pas pour cela.

Libéraux et marxistes font donc la même erreur : celle d’avoir une pensée matérialiste, qui nie la transcendance divine de l’homme et qui refoule la morale dans le domaine de la vie privée. Pour les deux systèmes les conséquences sont similaires : la suppression de la liberté et la naissance d’un système dictatorial.

Ne pas parler de libéralisme

C’est pourquoi si le libéralisme aboutit à la suppression de la liberté mieux vaudrait ne pas utiliser ce terme. Quel dommage que d’employer ce beau nom de liberté pour définir une idéologie qui est tout sauf libérale. Il y a ainsi d’authentiques libéraux, attachés à la liberté d’expression, à la libre initiative économique, au respect de la démocratie, et de faux libéraux, qui se servent de ces termes comme d’un paravent pour développer leur pensée matérialiste. Au temps de l’URSS in parlait de démocraties populaires et de centralisme démocratique pour évoquer des phénomènes qui étaient tout sauf démocratique. De même aujourd’hui est-il courant de parler de liberté pour désigner des actions ou la liberté est totalement absente : démocratie de l’Union Européenne qui refuse la voix des peuples en adoptant des traités refusés par ces derniers, avancées libérales dans l’eugénisme d’Etat comme on peut le voir dans les lois de bioéthiques en France. Paravent ou rideau de fumée cette fausse liberté sert surtout à bâtir une vraie dictature.

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