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mercredi 12 août 2015
En septembre 1940, après avoir envahi la Pologne, l’URSS se livre à un massacre sanglant, celui d’officiers polonais. Au total plus de 12 000 morts, des hommes abattus d’une balle dans la tête et enterrés dans des fosses communes. Ce ne sont pas que des militaires qui sont morts à Katyn, mais des ingénieurs, des professeurs, des fonctionnaires de haut rang, intégrés dans l’armée polonaise lors du déclenchement des hostilités. Le massacre de Katyn n’est donc pas le massacre de soldats, mais l’élimination, organisée et planifiée, de l’élite intellectuelle de la Pologne, afin de détruire ce pays. A cela s’ajoute l’arrestation et la déportation des professeurs de l’université de Cracovie ; là aussi dans le but de s’attaquer à la culture et aux forces intellectuelles du pays. Couper la tête pour enrôler les masses, telle est la méthode communiste. Briser l’aristocratie, au nom de la révolution et du gouvernement populaire. C’est ici le premier massacre de Katyn.
Le deuxième a lieu après guerre. Les charniers ont été découverts par les Allemands, qui ont mené des fouilles et identifiés la plupart des corps. Mais les communistes ayant pris le pouvoir, il leur a fallu camoufler ce massacre, et en accuser les Nazis. Ce sont eux les responsables, et la vérité (la pravda) officiellement diffusée est qu’il s’agit d’un crime allemand. Les Polonais qui défendent la vérité sont alors poursuivis, arrêtés, emprisonnés. Les communistes excellent dans l’art de falsifier la vérité, de modifier le sens des mots, de diffuser une propagande active et efficace sur la façon dont ils ont écrit l’histoire. Pendant des décennies il a été dit que ce sont les Allemands qui avaient commis les massacres de Katyn, avant que Gorbatchev ne reconnaisse officiellement la responsabilité communiste en 1990.
C’est alors là que débute le troisième massacre. Avec son beau et poignant film Andrezj Wajda — dont le père a été tué à Katyn — a contribué à rétablir la vérité, une vérité connue dès 1940 et tant de fois occultée. Le film est d’une esthétique rare, les acteurs sont touchants et justes, jamais trop larmoyants, la mise en scène est sublime, et la scène finale, celle où est présentée l’exécution des officiers, d’une justesse et d’une sobriété touchante. Oui, mais ce film n’a pas été diffusé en France. Non pas interdit, comme dans une vulgaire dictature, mais non diffusé. Le film n’existe pas. A Paris de rares salles l’ont mis à leur programmation, à Toulouse, seul un cinéma d’art et d’essai de Tournefeuille l’a diffusé, à 15 heures, pour être certain que personne ne puisse s’y rendre. Le film n’existe pas, comme les massacres n’existent plus. Il ne s’agit pas de dire que ce sont les nazis qui ont tué, il s’agit de ne pas parler des massacres. Comme on ne parle plus des goulags, comme on ne parle plus des purges de Staline, ni des crimes commis jusque dans les années 1980. C’est une nouvelle façon de détourner la vérité, une nouvelle façon de détruire l’intelligence d’un pays : non pas créer une autre vérité, mais gommer, effacer les faits, pour que ceux-ci n’aient jamais existé.
Au visionnage de Katyn apparaît l’urgente nécessité de diffuser la culture, de résister intellectuellement à la volonté farouche d’effacer les réalités de l’histoire et les faits de notre passé.
Katyn, un film de Andrezj Wajda, 2009.
Première publication : 14 septembre 2011.
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