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mercredi 20 mars 2013
Qu’est-ce que le modèle français ?
On évoque souvent le modèle français, voire le pacte républicain, pour le louer ou le dénoncer. Mais quel est-il vraiment ? Le modèle économique et social dans lequel nous vivons actuellement fut bâti à l’issu de la Deuxième Guerre mondiale, et date, pour l’essentiel, d’une batterie de lois prises en 1946. Il est inspiré à la fois du programme économique de la résistance, et des idées socialistes et communistes d’après-guerre. C’est notre État providence, légèrement différent de celui des Anglais, notamment parce qu’il fait désormais l’unanimité de la classe politique et que personne ne semble vouloir le remettre en cause. Quand on propose de le réformer, c’est pour le faire durer, pour lui permettre de survivre, non pas pour passer à un autre modèle.
Ce modèle d’État providence, librement inspiré du keynésianisme, repose sur une intervention répétée de l’État dans les secteurs économiques, sociaux et politiques.
1/ L’État entrepreneur
L’État est tout d’abord un entrepreneur. Il dirige des entreprises et se veut le moteur de la vie économique. Si l’on excepte la nationalisation de Renault pour cause de collaboration, les grandes vagues de nationalisation française ont eu lieu en 1946, sous le gouvernement du socialiste Félix Gouin, gouvernement dans lequel figuraient également de nombreux communistes.
Parmi celles-ci, mentionnons la nationalisation des mines avec la création des charbonnages de France, la nationalisation du gaz et de l’électricité, et la création d’EDF et de GDF, la nationalisation d’Air France, de nombreuses banques et des assurances.
2/ L’État planificateur
L’État se veut aussi un planificateur. La création, en 1945, du Commissariat au Plan par Jean Monnet vise à fixer des objectifs à 5 ans. Il s’agit d’assurer la reconstruction d’un pays qui a été largement détruit par la guerre. Il faut redresser l’appareil productif français, rebâtir ponts, routes, voies ferrées, et créer de nombreux logements. Les tickets de rationnement sont utilisés jusqu’au début des années cinquante. Nous avons aujourd’hui du mal à considérer le colossal effort qu’il a fallu effectuer pour redresser le pays.
3/ L’État protecteur
L’État est protecteur. Pour cela il organise la protection sociale en créant la Sécurité sociale par l’ordonnance d’octobre 1945. Les assurances sociales existaient déjà, mais elles étaient privées. La nouveauté c’est qu’à côté de ces assurances privées figure une assurance publique.
Le deuxième temps survient en 1946, toujours cette année décisive dans l’élaboration du modèle social, quand la sécurité sociale est nationalisée, et que son affiliation est rendue obligatoire pour les salariés. La Sécu que nous connaissons aujourd’hui est donc davantage l’héritière de 1946 que de 1945. On passe ainsi d’un système d’assurance, où chacun est couvert selon ses versements, à un système de transferts sociaux, où chacun reçoit la même chose, mais où les cotisations sont proportionnelles aux revenus.
4/ L’État logeur
Le rôle que s’attribue l’État dans le logement ne peut se comprendre sans l’urgente nécessité à bâtir des habitations pour des millions de Français qui en étaient privés, suite aux destructions de la guerre. C’est là que s’ouvre la période des grands ensembles, des HLM, des barres puis des tours. L’État devient bailleur social, il organise la construction et l’attribution des logements. C’est la fin des bidonvilles, dont le célèbre de Nanterre, existant jusque dans les années 1970, c’est la fin aussi des logements insalubres.
La loi de 1946 qui maintient fixes les coûts de location veut aussi permettre de faciliter le logement. Elle aura pour conséquence de ruiner les propriétaires et d’empêcher les nécessaires travaux d’entretien, causant aujourd’hui des situations d’insalubrités, notamment à Paris.
L’État logeur est aussi une façon de donner des pouvoirs accrus aux maires et aux offices HLM en leur donnant la possibilité d’attribuer les logements, avec les risques de clientélisme que cela engendre.
5/ L’État aménageur du territoire
C’est l’État qui lance la voie de la modernisation des infrastructures du pays : construction des autoroutes, des lignes TGV, modernisation des ports, édifications des aéroports parisiens d’Orly et Roissy, édification des barrages et des centrales nucléaires. Le tout sous l’égide de la DATAR et de nombreuses commissions créées pour l’occasion.
À ces éléments du modèle, il faut ajouter le statut général des fonctionnaires, adopté en octobre 1946, et largement rédigé sous l’inspiration de Maurice Thorez, alors chef du parti communiste, ainsi que l’organisation de la presse française, avec les NMPP, créées en 1947 et devenues Prestalis en 2009.
Le modèle économique et social français, encore largement en vigueur, est donc récent dans l’histoire du pays. Il est exagéré de dire qu’il est lié au pacte républicain, car la république datant de 1792 puis de 1880, elle n’a pas de lien direct avec ce modèle qui est surtout d’inspiration socialocommuniste.
Fut-il efficace ? Certains historiens y voient les raisons du grand développement économique que connut la France et que Jean Fourastié appela Trente glorieuses. Cela est assez contestable, car les difficultés que subit le pays dans les années 1970 sont largement dues à l’obsolescence de ce modèle, et c’est son démantèlement progressif à partir des années 1980 qui permirent à la France de connaître un grand essor économique et un enrichissement important de sa population.
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