Réforme du bac : comme prévu, tout échoue

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mercredi 22 janvier 2020

La réforme du bac et du lycée défendue par Jean-Marie Blanquer est en train d’échouer, comme cela était prévue. Dans un article publié dans Contrepoints le 19 mars 2019 j’expliquais que le contrôle continu n’en était pas un. C’est en réalité une forme de partiels, avec deux épreuves en Première et une en Terminale. Ce qui multiplie le bac par 3, avec un accroissement des coûts et des contraintes. Surtout, les professeurs doivent choisir les sujets dans une banque d’épreuves. Et donc je posais la question : les professeurs peuvent-ils communiquer les sujets à leurs élèves ? La réponse est bien évidemment oui et beaucoup l’on fait, ce qui est bien normal.

Une usine incontrôlable

Cette immense usine à gaz explose de partout. La Banque nationale des sujets devait ouvrir en octobre. Finalement, son ouverture a été repoussée à novembre puis est devenue effective une semaine avant les vacances de Noël, pour des épreuves qui doivent se dérouler la semaine du 20 janvier (tous les lycées doivent organiser leurs épreuves en même temps). Les professeurs ont dû préparer leurs élèves à des examens dont ils ne connaissaient pas les modalités d’évaluation.

Les sujets sont choisis par les professeurs et les épreuves se déroulent dans les lycées, mais les copies sont corrigées par d’autres. Le tarif est de 50€ pour 35 copies. C’est une misère pour les professeurs (il faut environ 4h pour bien corriger 35 copies) mais une somme énorme à l’échelle du Ministère, compte tenu des millions de copies à corriger. Opération répétées 3 fois.

Des scanners qui ne fonctionnent pas

Les copies ne seront pas corrigées sur papier mais sur écran, ce qui est beaucoup plus difficile et fatiguant. Toutes les copies doivent être scannées pour la correction. Ce qui a fait l’objet d’un nouveau drame : les scanners achetés (on ignore pour quel coût) ne permettent pas de reproduire les couleurs claires. Les copies des élèves à l’encre bleu pâle sont ainsi peu lisibles, ainsi que les cartes et les croquis, ce qui est fort ennuyeux pour les épreuves de géographie et de biologie. Comment une telle aberration est-elle possible ? Ces scanners professionnels fonctionnent moins bien qu’un scanner domestique…

Les professeurs communiquent les sujets à leurs élèves

Et ce qui était prévu arriva : professeurs, voire même proviseur, ont donné les sujets à l’avance à leurs élèves. Pourquoi ne l’aurait-il pas fait d’ailleurs, tant le système est absurde ? Ainsi, dans un lycée de l’académie de Tours, un proviseur a envoyé le courriel suivant aux élèves de Première :

« L’inspectrice d’histoire-géographie me demande de vous préciser que l’épreuve d’E3C de lundi 20 portera sur le chapitre 1, thème 1 d’histoire et sur le thème 1 de géographie ».

Les thèmes de révision sont tellement précis que l’on voit très bien quel sujet sera donné. Comme le dit Daniel, un professeur d’histoire-géographie interrogé :
« Tout le monde fait ça. Afin de ne pas désavantager ma classe, j’ai également donné à mes élèves les thèmes à réviser, indique-t-il samedi 18 janvier au Figaro. À partir du moment où le Ministère dit qu’on peut orienter nos élèves dans leurs révisions, je ne vois pas pourquoi je m’en priverai, car sinon je risque d’instaurer une rupture d’égalité entre mes élèves et les autres candidats, qui eux auront été aiguillés par leurs professeurs ».

Éviter « la rupture d’égalité », un beau moyen de se dédouaner de tricher. Donner les sujets en avance aux élèves : une belle façon de faire gonfler les statistiques et de permettre aux lycées faibles d’avoir de bons scores au bac. Et en effet, si « tout le monde le fait », le professeur qui ne le fait pas pénalise ses élèves.

Nous n’en avons pas fini avec l’absurdité de la réforme. L’année prochaine, il y aura les cours qui s’arrêteront en avril et le grand oral prévu pour juin, dont on ne connait pas encore les modalités. Emmanuel Macron voit dans « la réforme » du lycée, sa grande réforme du quinquennat. Nous sommes bien loin du compte.

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