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lundi 3 juin 2013
For Greater Glory raconte l’histoire de la révolte des Cristeros au Mexique, entre 1926 et 1929. Suite à la révolution des années 1910-1917, le parti socialiste arrive légalement et démocratiquement au pouvoir en 1924. Il le restera jusqu’en 2000. Le président de l’époque, Plutarque Calles, applique des lois anticléricales et essaye d’extirper le christianisme du Mexique. Les prêtres étrangers sont expulsés, les biens de l’Église nationalisés, les écoles fermées … Les Mexicains essayent de s’opposer à ces lois de façon pacifique, par des manifestations et des pétitions. Ces moyens n’aboutissant pas, ils prennent les armes, à partir de 1926. C’est la révolte du Christ Roi, les Cristeros, où au cri de Viva Cristo Rey, le peuple mexicain attaque l’armée fédérale. Trois ans de guerre civile épouvantable, où les armées de l’État répriment les villageois, torturent les opposants, brûlent les villages. La Cristiada rejoint la grande révolte de la Chouannerie pendant la Révolution française.
Au bout de trois ans de guerre, un accord est trouvé. Les lois sont maintenues, mais elles ne sont pas appliquées. Néanmoins, les restrictions religieuses demeurent ainsi que les vexations à l’encontre des catholiques.
Vous ne pouvez pas voir For Greater Glory en France, le film a été interdit par la censure, aucune salle de cinéma ne le diffuse, comme Katyn en son temps. Pourtant, le film est magistral. Il est servi par des acteurs de talents : Andy Garcia (Le Parrain), Peter O’Tool (Lawrence d’Arabie), Eva Longoria. La mise en scène est impeccable. Les scènes de batailles haletantes, le jeu des acteurs est de grande qualité, notamment Andy Garcia, qui joue le rôle du général Prudencio Mendoza qui a conduit les Cristeros. Ce général ne croit pas en Dieu, il n’adhère pas à la cause des Cristeros, mais ceux-ci l’ont embauché pour conduire leur armée. Au fil des épreuves il finit par se convertir, et à adhérer pleinement à la cause qu’il a dirigé. N’étant pas un spécialiste de la révolte des Cristeros, il ne m’est pas possible de donner un jugement historique sur le film. Je constate toutefois que la plupart des personnages du film ont existé, et que la trame du fond est plutôt fidèle à la réalité historique.
Ce film m’inspire toutefois trois remarques historiques.
1/ Le premier concerne la censure qu’il subit. Alors que tant de navets sont diffusés en France, ou sont en sélection au Festival de Cannes, le fait que ce film, esthétiquement très beau, bien joué et bien mis en scène, ne soit pas diffusé témoigne de la pesanteur intellectuelle et morale qui écrase le monde de la culture. Le film a le malheur de ne pas évoquer le bon sujet, de ne pas être assez mainstream, alors un comité de censure autoproclamé décide de l’interdire. Il y a quelques années, nul n’aurait connu son existence. Grâce à internet, le film peut être connu et vu. On peut en effet acheter une version officielle sur Amazon, en passant par le Canada. C’est une VO sous-titrée en français. On peut aussi le trouver au téléchargement légal. La censure se heurte donc au développement des technologies qui ouvrent un espace de liberté autrefois inexistant.
2/ Deuxièmement, le fait que le gouvernement liberticide de Calles soit arrivé légalement et démocratiquement au pouvoir, et qu’il s’y soit maintenu même après la guerre civile. C’est un grave problème de la démocratie, sur lequel on ne s’interroge pas assez. La démocratie, en fait le suffrage universel, est censée assurer la liberté des populations. Sauf que l’on se rend compte que de nombreux régimes liberticides sont arrivés au pouvoir grâce au suffrage universel. D’autre part, on voit des hommes obéir aux ordres injustes du gouvernement, martyriser des populations civiles innocentes, torturés des enfants, comme le petit José Sanchez del Rio, torturé de façon ignominieuse, la plante des pieds arrachée et contraint de marcher pied-nu jusqu’au cimetière où il fut abattu, en 1928, à l’âge de 14 ans. Comment des hommes ont-ils pu appliquer cet ordre ?
Nous sommes là au cœur de ce qu’Étienne de la Boétie appelle la servitude volontaire. Ce n’est pas le tyran qui tyrannise, mais les hommes qui appliquent les ordres du tyran. Ce sont les soldats fédéraux qui ont tué les prêtres, ceux qui ont abattu José Sanchez, ceux qui ont voté pour ce gouvernement liberticide. La démocratie n’est pas le rempart de la liberté contre la tyrannie, bien souvent elle en est même une autre forme. Il y a là ce mystère, sur lequel de nombreux auteurs se sont penchés sans parvenir à le résoudre : comment des hommes peuvent, volontairement, rejeter leur liberté et contribuer à bâtir un système anti humain ? Nous sommes là au-delà de l’idéologie. Nous sommes là au cœur du mystère du communisme et du nazisme, autre forme du socialisme.
3/ Troisièmement, le combat pour l’histoire, c’est le combat pour la mémoire. Trop de mémoire tue, ou empêche de vivre, surtout s’il n’y a pas de pardon. Mais l’absence de mémoire tue aussi. L’habileté des régimes liberticides est de ne pas évoquer un événement. Et si l’événement en question n’est plus évoqué, alors il n’existe pas, il n’a jamais existé. Ce fut le cas avec Katyn, avec le génocide vendéen, avec les Cristeros. On jette l’acide de l’oubli pour faire disparaître un événement dangereux. C’est l’acide de la négation, contre laquelle les historiens se doivent de prémunir les populations.
Alors, regardez For Greater Glory, c’est un grand film, et c’est un film important pour empêcher l’oubli.
Addendum mai 2014. Cet article a été écrit en juin 2013. A cette date le film n’était pas visible en France au cinéma, mais on pouvait se le procurer en DVD. Il est aujourd’hui visible en salle, grâce à l’abnégation de gens passionnés. Qu’ils soient remerciés pour cela.
Cette présence en salle ne retire rien à mon analyse du film. Le fait qu’on en parle peu dans les médias alors que, d’un strict point de vue cinématographique, c’est un bon film, montre bien qu’il existe une certaine censure autour des thèmes évoqués.
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