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jeudi 18 février 2021
Un des éléments qui caractérise le monde d’aujourd’hui est le développement et l’essor de l’indigénisme, c’est-à-dire le retour des cultures anciennes et typiques qui sous l’effet de la mondialisation recherchent leur histoire et veulent se réaffirmer dans leurs traditions. Cet indigénisme, ce retour aux traditions locales, se manifeste partout, que ce soit en Amérique latine, en Afrique et en Asie. Or il y a des objets qui fixent la culture et qui l’associent à des lieux et à des identités précis. C’est notamment le cas de la gastronomie, de la musique et du vêtement, qui indiquent d’où viennent les personnes, à quoi elles se rattachent, à quelle culture elles appartiennent. Ces trois objets, nourriture, musique, vêtement, sont à la fois très typique et en même temps le fruit d’échanges et de mélanges, parfois avec des cultures fort lointaines. Dans le mouvement d’indigénisation auquel nous assistons, il est curieux de voir ainsi des vêtements présentés comme très typiques être en réalité d’une origine complètement différente, ce qui est notamment le cas des coiffes et des chapeaux.
Le melon des Indiens
Lorsqu’Evo Moralès prend la présidence de la Bolivie en 2006, il axe sa politique sur l’indigénisme et la défense des peuples précolombiens. Cela se manifeste notamment par le port du vêtement traditionnel, marqué chez lui par une longue veste brodée. En Bolivie, nombreuses sont les femmes indiennes à porter un chapeau melon, ce qui est à la fois très traditionnel dans leur tenue et en même temps très surprenant dans la mesure où ce chapeau n’a rien d’indien puisqu’il est originaire d’Angleterre. Difficile de savoir pourquoi ces peuples ont adopté le melon tant les légendes s’entremêlent. L’histoire officielle et reconnue dit que des ingénieurs anglais seraient venus au XIXe siècle pour créer une ligne de chemin de fer dans les Andes. Des exemplaires du chapeau auraient été laissés sur place, vite adoptés par les femmes indiennes. Il est vrai que le melon a l’avantage d’être robuste et résistant puisqu’il fut pensé par le chapelier Thomas Bowler en 1849 pour équiper les gardes-chasse d’Edward Coke. Voici comment un chapeau typiquement anglais est devenu aujourd’hui un symbole culturel pour les Indiens de Bolivie. Les guides touristiques regorgent de photos où l’on voit ces femmes indiennes dans les plateaux de la Cordillère, leur chapeau melon sur la tête, témoin de leur appartenance nationale. Curieux chassés-croisés de l’histoire : le melon est associé à la fois à l’Angleterre et aux champs de courses où il est encore porté et aux Indiens de Bolivie.
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