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jeudi 11 octobre 2018
Attaquer, vociférer, agonir d’injures un adversaire est une arme redoutable pour créer autour de lui une vitrification intellectuelle et empêcher toute réflexion et toute analyse. C’est l’arme même de la guerre de propagande qui cherche à rendre impossible toute réflexion pour imposer ses propres idées. C’est l’arme Vychinski, en référence à Andreï Vychinski, homme de main de Staline dans sa politique d’épuration des bolchéviques. Il est né à Odessa en 1883. Il adhère d’abord au parti menchévique, opposants des bolchéviques, et se montre très vindicatif à l’égard de Lénine et du coup d’État bolchévique de 1917.
Puis, constatant que ces derniers ont gagné, il rallie les bolchéviques en 1920 et se met au service de Staline, dont il égale la cruauté et le cynisme. Comme tout ancien opposant rallié à un nouveau régime, il doit faire preuve d’excès de zèle pour faire oublier ses origines. Il se charge donc des purges, qu’il effectue tout au long de sa carrière, en Russie, en Lettonie et en Roumanie. C’est lui qui organise les grands procès de Moscou entre 1936 et 1938, dont la finalité est l’élimination des bolchéviques opposés à Staline parce qu’ils étaient proches de Lénine ou de Trotsky. Il excelle dans ce rôle de procureur général, accusant des innocents de crimes qu’ils n’ont pas commis, avec une torture psychologique telle que les innocents s’accusent de ces crimes. À beaucoup, il promet la clémence s’ils reconnaissent les chefs d’accusation. Ceci fait, ils sont bien évidemment condamnés à mort et immédiatement exécutés. Sous Brejnev la méthode fut un peu différente. Les opposants n’étaient plus accusés d’être des ennemis du peuple ou des ennemis de classe, mais des malades mentaux, des déséquilibrés, devant être internés ou rééduqués.
La personne est ainsi coupable par ce qu’elle est, non par ce qu’elle a fait. C’est son être même qui est condamné, sans jugement, sans analyse contradictoire, et elle est jetée en pâture à la vindicte populaire, via la presse qui relaie les actes d’accusation et de condamnation. Inutile de chercher à se défendre puisque l’accusé est présumé coupable et que tout ce qui est dit est retenu contre lui. On aboutit ainsi à une condamnation sociale, politique et médiatique. C’est une pratique bien commode pour éliminer un adversaire, car la condamnation jette l’opprobre sur sa famille, ses amis, son courant de pensée. Même si Vychinski en est le réalisateur le plus connu, ne laissons pas aux Soviétiques le plaisir de cette invention. C’est la Révolution française qui a mis cela en place, avec Fouquier-Tinville dans le rôle-titre du procureur général durant la Terreur. La récente actualité a montré quelques cas de ce syndrome Vychinski où il fut interdit de penser.
Brésil : la stupeur l’emporte
La présidentielle brésilienne en est un excellent cas d’école. Jair Bolsonaro est systématiquement présenté comme un candidat populiste d’extrême-droite et raciste.
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