La guerre froide de la France

Georges-Henri Soutou est l’un de nos grands historiens, mais il a la parole rare. Spécialiste des relations internationales au XXe siècle, il a signé une thèse magistrale sur les buts de guerre économiques durant la Première Guerre mondiale. Puis, en 2001, une analyse de la Guerre froide comme guerre de cinquante ans, qui demeure la référence pour tous ceux qui veulent comprendre cette période. Ensuite un ouvrage sur les conséquences diplomatiques de la paix de 1919, La grande illusion. Et désormais une étude de la France dans la guerre froide, La guerre froide de la France. 1941-1990.

Ce que démontre Georges-Henri Soutou c’est que la France a joué une partition originale dans le camp occidental, partition dont le tempo fut donné par le Général de Gaulle et suivi par ses successeurs. Résolument dans le camp occidental, la France a toutefois opté pour un atlantisme critique, lui évitant une hystérie antisoviétique et distinguant la Russie de toujours de la Russie soviétique.

Fidèle à sa tradition d’équilibre, la France a voulu être à équidistance des États-Unis et de l’URSS, cherchant à être au-dessus des passions pour mieux capter la grandeur gaulliste. Cette guerre froide est aussi passée par la construction européenne vue par certains comme un multiplicateur de puissance et par d’autres comme un bouclier antisoviétique. Elle s’est aussi méfiée de l’Allemagne, qu’elle aimait tellement qu’elle préférât multiple. François Mitterrand fut ainsi très dubitatif quant à la réunification des deux Allemagne.

Cette position politique lui permit de ne pas perdre la guerre froide, à défaut de ne pas la gagner, et d’arriver à maintenir son rang de puissance au milieu des deux grands. La France disposait alors d’une véritable réflexion géopolitique, héritée du Général de Gaulle, qu’elle semble avoir perdu aujourd’hui.

L’étude de Georges-Henri Soutou est magistrale parce que c’est la première de cette ampleur. L’auteur a eu accès à des archives inédites, archives privées et archives du Quai d’Orsay. Celui lui permet de bâtir un ouvrage qui est déjà une référence et un indispensable pour qui s’intéresse à cette période. Georges-Henri Soutou a la parole rare et d’autant plus précieuse, surtout que ces analyses sont justes.