La rivière souterraine du cannabis

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jeudi 16 mai 2019

Le cannabis a envahi les cours d’école et les halls d’universités, et pas seulement. Au-delà de la dangerosité sanitaire du produit et des effets néfastes sur les consommateurs, il dessine une géopolitique de la criminalité et irrigue de nombreux quartiers dont il soutient l’économie. Notons d’emblée deux incongruités sémantiques. Premièrement, le terme de « quartier » utilisé pour désigner des espaces urbains tenus par les mafias et le banditisme. Dans le langage journalistique, quartier est un euphémisme et une litote pour désigner une zone dangereuse, à forte criminalité. Il y a ainsi les quartiers sensibles, désignant des espaces que l’on évite. Deuxièmement, le terme « zone défavorisée », qui désigne des zones urbaines sensées être pauvres, où les taux de chômage sont importants et, souvent, la criminalité forte. Ces zones seraient défavorisées, ce qui expliquerait, voire légitimerait, la violence qui s’y déclare et les dégradations. Ainsi de la Seine-Saint-Denis, du Mirail à Toulouse, des Minguettes, des quartiers nord de Marseille. Or rien n’est plus faux. Ces quartiers sont les plus favorisés de France : c’est eux qui reçoivent le plus d’argent public et le plus d’aides sociales. Très souvent, ils sont bien reliés en transports en communs, notamment en RER et en métros, comme Saint-Denis et le Mirail. À cela s’ajoutent de très nombreux équipements publics : écoles, collèges et lycées, bibliothèques, centres culturels et sportifs, etc. Si, lors des émeutes, ces bâtiments sont détruits et incendiés, c’est bien qu’ils existent. La Seine-Saint-Denis est à la fois l’un des départements les plus riches de France et en même temps l’un des plus pauvres, du moins du fait de sa population.

D’où une autre erreur d’analyse : présenter les habitants de ces quartiers comme pauvres. Sous le simple regard statistique peut-être, et encore. Il est vrai que les taux de chômage sont importants et les revenus faibles. Mais les populations y bénéficient de logements sociaux à bas prix, payé par d’autres, plus les nombreuses aides sociales. Enfin, se développe toute une économie parallèle, qui rapporte beaucoup et qui fournit un véritable travail. Et c’est là que l’on retrouve le cannabis.

Accroissement de la consommation de cannabis

La proportion d’usagers occasionnels et réguliers de cannabis parmi les 18-64 ans n’a cessé de croître : 4% en 1992 ; 8% en 2000 ; 11% en 2014. Ces chiffres officiels sont victimes de deux biais statistiques : d’une part ils ne commencent qu’à 18 ans, alors que la consommation se fait dès le collège, excluant ainsi de la recension une partie importante des consommateurs, d’autre part ils sont fondés sur la reconnaissance volontaire d’une telle consommation, qui est interdite. Les chiffres sont donc sous-estimés. Autant il est facile d’évaluer la consommation d’un produit légal et commercialisé (type sodas), autant il est plus difficile d’évaluer la consommation de produits illicites, et donc cachés. C’est à partir des années 1990 que la consommation de cannabis a commencé à se développer.

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