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mardi 23 juillet 2013
Dans l’avion qui le menait à Rio, le pape François a parlé aux 68 journalistes présents pendant environ une heure. Il a évoqué deux points qui sont pour lui importants, et qui permettent la société d’inclusion qu’il appelle à bâtir.
Tout d’abord, la question de l’avenir d’un pays. La jeunesse est souvent vue, à juste titre, comme l’avenir d’un pays, parce qu’elle a la force, la vigueur, et le temps ; parce que c’est sur elle qu’investissent les pays, notamment à travers les frais d’éducation, et parce que c’est elle qui va ensuite édifier le pays qui l’a vu naître.
Mais dans cet avenir, le pape a aussi voulu y associer les personnes âgées, celles que l’on peut considérer comme dépassées, voire hors d’usage.
« Mais l’autre extrême de la vie, les personnes âgées, sont aussi l’avenir d’un peuple. Un peuple a de l’avenir s’il avance avec ces deux sources : avec les jeunes, qui ont leur force pour le faire avancer, et avec les personnes âgées, parce que c’est elles qui donnent la sagesse de la vie. Je pense que nous faisons souvent une injustice avec les personnes âgées, nous les mettons de côté comme si elles n’avaient rien à nous offrir : elles ont la sagesse, la sagesse de la vie, la sagesse de l’histoire, la sagesse de la patrie, la sagesse de la famille, et nous avons besoin de cela ! »
À la force de la jeunesse, s’ajoute et se complète la sagesse de la vieillesse. Cette sagesse est aussi le sens de l’histoire, c’est-à-dire de la discipline historique, qui vise à ne pas enfermer les hommes dans le présent, mais à les ouvrir vers le temps passé, qui est pour eux le temps de l’identité.
C’est le deuxième point évoqué par le pape, tout aussi important que l’autre : la jeunesse n’est pas seule, elle n’est pas isolée, on ne peut la comprendre qu’en l’insérant dans une identité, à la fois culturelle et familiale.
« Lorsque nous isolons les jeunes, nous faisons une injustice : nous leur retirons leurs attaches. Les jeunes ont des attaches : ils appartiennent à une famille, à une patrie, à une culture, à une foi. Ils ont des attaches ! Et nous ne devons pas les isoler, et surtout ne pas les isoler de toute la société. »
Ces propos sont d’une grande profondeur, ils renvoient à l’essence de la personne, qui est un être de relation, qui ne vit pas seule, mais au sein d’un tissu culturel et social. Ces propos attaquent de plein fouet la culture de l’autonomie absolue du sujet, l’idée que l’être est non pas une personne, mais un individu, c’est-à-dire quelqu’un délié de tout lien, indivisible parce que rattaché à rien, si ce n’est à une vague culture mondiale, voire mondialiste. L’individu, ébloui par son autonomie factice, est amené à sa propre mort, en croyant y trouver la vie. L’individu rejette tout ce qui peut l’enraciner, c’est-à-dire lui donner à la fois de la profondeur (historique, culturelle) et de la densité (intellectuelle et spirituelle). L’individu, c’est l’homme-machine, l’homme unidimensionnel, c’est l’homme entièrement soumis à l’État, car entre lui et l’État il n’y a rien d’autre. L’absolutisation de l’autonomie conduit toujours à la perte de la liberté. C’est quand l’homme croit être libre parce qu’il a rejeté sa famille, sa patrie, sa culture, sa foi qu’il est complètement asservi.
Une des erreurs historiques faites sur le christianisme est de penser que, parce qu’il est universel, parce que son message s’adresse à tous les êtres humains, il aurait la volonté d’effacer les cultures, les identités, les mémoires, c’est-à-dire de façonner un individu unidimensionnel. Rien n’est plus faux : comme Dieu s’est incarné dans un homme, dans une culture, dans une histoire, le christianisme s’incarne lui aussi dans le tissu humain. Le christianisme n’est pas une religion du livre, c’est la religion de l’incarnation, c’est-à-dire de l’inclusion dans le monde. Le christianisme ne rejette pas le monde, bien au contraire, il est au milieu du monde, et il essaye de le façonner.
Famille, patrie, culture, foi : ce sont les quatre cercles d’une personne incluse, d’une personne qui vit en relation avec les autres.
Famille : cellule de base de la société, Église domestique, selon la belle formule de Jean-Paul II. La famille est le lieu premier où s’édifient les personnes et où se forment les êtres humains ; c’est le lieu merveilleux de la transmission.
Patrie : chaque personne a sa patrie, terre de ses pères, de ses ancêtres, de son histoire. Arracher la patrie à un homme est un des pires crimes que l’on puisse commettre contre lui. La patrie, c’est la famille de la société. La patrie, sainement vécue et aimée, est opposée au nationalisme, qui est la haine des autres peuples. C’est en aimant et en édifiant sa patrie que l’on peut aimer les autres. Aimez votre prochain comme vous-mêmes, dit le Christ. On ne peut aimer les autres si on ne s’aime pas d’abord soi-même.
Culture : le christianisme respecte et développe les cultures de chaque peuple. En Amérique latine la question est d’autant plus importante que des cultures antérieures étaient présentes avant l’arrivée des Européens. Sans christianisme, la culture ne peut donner son plein essor, comme l’a brillamment démontré Benoît XVI lors de son discours aux Bernardins.
Foi : la foi est constitution intégrale de la personne. Sans foi, la personne ne peut respirer et étouffe. Dans la société inclusive que le pape appelle à édifier, la foi doit avoir toute sa place. Si on isole la jeunesse de la foi, si on l’enferme dans le matérialisme, si on la prive de respiration spirituelle, et de respiration culturelle, alors la jeunesse ne peut pas se développer.
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