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lundi 4 février 2019
Tout le monde parle du libéralisme. Tout le monde a un avis bien arrêté sur lui. Mais peu nombreux sont ceux qui le connaîssent vraiment. Pour qui a travaillé sérieusement, en profondeur ; pour qui a interrogé ses grands penseurs et s’est plongé dans toutes ses écoles de pensée, dans son histoire, dans son actualité ; pour qui a pris le recul et le temps suffisant pour outrepasser les caricatures, le libéralisme apparaît sous son vrai visage. C’est alors une pensée riche, vivante, d’une variété et d’une densité insoupçonnée que l’on découvre. Une pensée à laquelle on pourra adhérer ou que l’on pourra rejeter, en totalité ou en partie, mais vis-à-vis de laquelle on se sera positionné en pleine connaissance et en pleine conscience. En honnête homme.
Ce Dictionnaire du libéralisme, qui rassemble plus de 60 auteurs d’horizons complémentaires – des économistes, des philosophes, des sociologues, des historiens, des juristes, des sociologues ; des libéraux de tous les courants, des libéraux de gauche, des libéraux classiques, des libéraux conservateurs, des libertariens, des anarcho-capitalistes ; les héritiers de Tocqueville, de Aron, de Hayek, de Rothbard ; des Français, des étrangers ; de jeunes et talentueux chercheurs, des penseurs confirmés reconnus par la communauté scientifique internationale – offre une occasion unique de pénétrer, avec rigueur sans pour autant sombrer dans l’opacité technique d’une publication trop académique, dans une pensée au cœur des débats politiques, économiques, philosophiques et géopolitiques contemporains.
Le libéralisme : un produit d’importation ?
Constamment présenté comme ayant été inventé par les Anglo-Saxons, le libéralisme aurait accompagné au XIXe siècle la Révolution industrielle, d’abord britannique, puis américaine, comme son ombre portée. Il nous viendrait, de nos jours, de l’Angleterre de Margaret Thatcher et des Etats-Unis de Ronald Reagan et serait, fût-ce que pour cette seule raison, incompatible avec la tradition intectuelle et politique française. Comme une mauvaise greffe, son introduction dans le pays de Descartes et de Colbert ne pourrait en effet être, faute de terreau fertile et d’une histoire commune, concevable, encore moins viable.
Pour usuels qu’ils soient, ces préjugés sont absolument faux, et ce pour plusieurs raisons. En premier lieu, le libéralisme est un courant de pensée qui émerge vraiment au XVIIIe siècle, et non pas au siècle suivant. Il s’agit alors de libérer l’individu de ses entraves, qu’elles soient politiques ou religieuses, et de poser des limites au Pouvoir du tout puissant monarque, qui n’avait que peu d’égard pour le respect des droits fondamentaux de l’individu. Le libéralisme devint un corps de doctrine cohérent et conséquent au siècle des Lumières. C’est en France, mais nous y reviendrons, que Montesquieu pose ainsi, en 1748, dans son célèbre Esprit des Lois, les bases du libéralisme dit politique. Un autre grand penseur du libéralisme, Turgot, qui était également un homme d’État de premier plan – l’équivalent d’un ministre des finances entre 1774 et 1776 – a établi, dans l’Éloge de Vincent de Gournay en 1759 et dans Réflexions sur la formation et la distribution des richesses en 1766, les prémisses d’un concept central de la pensée libérale : l’ordre spontané. Son élève Condorcet développe quant à lui des idées ouvertement libérales dans un ouvrage paru en 1795, quelques mois après sa mort tragique, et dont l’intitulé même rend hommage au maître : Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain.
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