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dimanche 17 avril 2016
Le vin des Corbières
Pour trouver le vin, chercher le fleuve ou la mer. La vigne s’étend le long des axes de communication, là où le vin peut s’évader pour être vendu à ceux qui le désirent. C’est le palais qui fait le vin, et le vigneron tire le meilleur de sa terre et de sa météorologie pour faire un vin qui satisfasse ses clients. Le vin de Corbières n’échappe pas à cette règle d’airain du vignoble. Il est perché sur les contreforts des Pyrénées, là où les sols et l’inclinaison sont les plus favorables à la culture d’une vigne de qualité.
En face de lui se découvre la Méditerranée, la mer du vin par excellence. Les Corbières ouvrent une marche que Bandol referme, à l’autre extrémité. Qui dit Corbières dit Languedoc, ce qui véhicule une mauvaise réputation. La mémoire viticole n’est pas prête d’oublier le Midi rouge, les vignes qui produisent au litre, les vins forts et lourds renforcés au pinard d’Algérie. Il faudra encore beaucoup de temps pour se défaire de cette mauvaise image et pour que des palais avertis découvrent que les vins des Corbières peuvent être harmonieux et profonds.
C’est aux Romains que l’on doit le développement de la vigne dans cette vaste région, et bien sûr aux moines. En Corbières, l’histoire se déroule autour de quelques grands noms : les abbayes de Lagrasse et de Fontfroide en font partie. En 1681 est ouvert le canal du Midi. C’est le miracle pour les vins de l’Aude qui peuvent désormais descendre vers Toulouse et Bordeaux. À partir de ce moment-là, les vins ne sont plus exclusivement tournés vers la Méditerranée, mais peuvent aussi prétendre à une ouverture atlantique.
Au XIXe siècle, c’est le rail qui bouleverse une nouvelle fois la donne : cette fois le vin peut monter à Paris et ainsi concurrencer puis détrôner les vins d’Argenteuil et de Montmartre. Les vignerons qui aujourd’hui s’opposent à la mondialisation oublient qu’ils en ont longtemps profité. Sans le train, ils n’auraient jamais pu démarcher de nouveaux clients et être servis dans les usines de la banlieue parisienne. Du Midi rouge le vin du Languedoc a desservi les banlieues rouges.
Les vins de Fontfroide
L’abbaye de Fontfroide est une des plus anciennes abbayes de France. Elle a joué un rôle essentiel dans la lutte contre l’hérésie cathare en abritant de nombreux théologiens qui, de là, sont partis évangéliser les villes et les campagnes. C’est une magnifique abbaye dans un cadre enchanteur, où le minéral et le végétal se lient admirablement. Comme toutes les abbayes, elle a ses vignes et elle produit ses vins. Comme toutes les abbayes, elle fut spoliée par l’État à la Révolution et vendue comme bien national. Elle manqua ainsi de peu d’être détruite et démantelée pierre par pierre. Reprise aujourd’hui par une famille de passionnés, Fontfroide produit des vins de grande qualité. Les flacons reprennent les formes des bouteilles primitives : lourdes, carrés et robustes.
Les noms des cuvées rappellent les heures glorieuses de l’abbaye : Cuvée 1093, année de fondation de l’abbaye, Deo Gratias et Laudamus, Oculus et Frère convers. Les étiquettes des bouteilles s’inspirent des formes des vitraux. Mais, pour une fois, le contenant original et choyé ne cache pas un contenu de médiocre qualité. Les vins de Fontfroide sont de vrais vins, amples, harmonieux, solides et profonds, déclinés en rouge, blanc, rosé. On y trouve les cépages principaux des Corbières : syrah, grenache, cinsault, vermantino…
Ce sont des vins de réelle qualité, non des vins gadgets qui utiliseraient à tort la réputation et l’histoire de l’abbaye. Des vins charpentés et biens faits, qui ont justement été récompensés par de nombreux prix. Ceux qui veulent les goûter ou les acquérir sans passer par Narbonne peuvent les retrouver dans les salons des vignerons indépendants, ainsi qu’au salon des vins d’abbaye. Ils y boiront alors ce que le Corbières peut produire de mieux, en associant la grandeur de l’histoire à la justesse de vins de haute qualité.
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