Rentrée gastronomique

Rentrée : reprise du travail, paiement des impôts, tournée des écoles, inscriptions des enfants, etc. C’est sûr que l’on aurait préféré rester loin de tout ça, prolonger l’été et les vacances. La rentrée offre pourtant de belles joies culinaires dont on ne peut que profiter. Tout commence fin août avec les mirabelles. La petite prune de Lorraine est fugace et ne dure que quelques semaines.

Nature, en tarte, en eau-de-vie, elle est une comète culinaire qu’il faut saisir au bond. C’est le moment où l’on scrute les vendanges. Elles aussi débutent fin août dans le sud et s’étirent jusqu’en octobre vers le nord. Les vignerons jouent là une grande partie de leur millésime. Tout est affaire de tempo et de justesse, la sucrosité des grains doit être surveillée, de même que les orages de grêles qui peuvent tout détruire en quelques minutes. Les vendanges promettent labeur, fatigue et dureté ; mais aussi déjeuners festifs et convivialité. La rentrée n’offre que peu de temps pour clore les confitures et profiter des derniers fruits murs de l’été.

Au rayon des conserves, il reste tous les légumes à préparer et à placer dans les célèbres bocaux Le Parfait. Direction le stérilisateur, puis la souillarde sous l’escalier ou derrière la cuisine. Là s’étagent les tomates, les haricots, les concombres, les champignons. Joli décor de couleurs, de tailles, et merveilleux programmes de déjeuners grandioses à venir.

Les champignons, c’est l’autre grand plaisir de la rentrée. On scrute ainsi l’humidité et la sécheresse, les sous-bois et les taillis. On espère une pluie fine et, surtout, on garde secrets les lieux de leur naissance. Combien de kilomètres sont prêts à parcourir les amateurs pour aller cueillir leurs cèpes ? Tout est question de coup d’œil et de connaissance du terrain. Les champignons se ramassent en regardant le sol, comme plus tard les châtaignes.

Délicieux moment que celui de la rentrée ; trait d’union entre l’été qui finit et l’automne qui ne cesse de s’annoncer. C’est l’époque des couleurs, quand les feuilles passent du vert clair aux jaunes orangés. C’est l’époque des odeurs : les coings, les cèpes, les raisins. De la fin août à début octobre, il y a deux mois magiques où l’on change de mondes en peu de temps. Les raisins se vendangent et se cueillent : le chasselas revient sur les étals. De même pour les poires, qu’elles soient comices, conférence ou williams. Les bouilleurs de cru reprennent du service. Privilège que les détenteurs gardent jalousement.

À la rentrée, on écoute les alambics, on scrute les fines blanches et on finit les fonds pour faire de la place. Partout les cavistes proposent leur foire aux vins, occasion de faire de belles affaires et de remplir les caves asséchées. On y prépare les provisions de l’année. Et puis, la rentrée, c’est la chasse. On va enfin pouvoir ressortir les fusils et les cartouchières, faire courir les chiens et aller à la rencontre de la nature. La chasse, quelle belle occasion de rentrer !

Chronique gastronomique parue dans l’Incorrect.